Il est assez difficile d’établir avec certitude la biographie Eugène Green, le réalisateur du film le Monde vivant. L’homme se révèle assez discret, voire enclin à brouiller les pistes. On doit cependant pouvoir affirmer qu’il est né en 1947 à New-York city et vit en France depuis la fin des années soixante. Il aurait enseigné la philosophie, commencé une carrière de peintre avant de créer, en 1977, la compagnie de la Sapience et beaucoup travaillé et écrit sur le théâtre baroque. Réalisé en 2003, le Monde vivant est le second long métrage d’Eugène Green, après Toutes les nuits, sorti en 2001, et avant le Pont des Arts, sorti en 2004.
Si ses travaux sur le théâtre baroque, sa déclamation, sa gestuelle et l’attachement d’Eugène Green à le faire revivre dans des conditions proches du XVII ème siècle, n’ont pas toujours fait l’unanimité au sein du monde du théâtre, le sérieux de sa démarche est attesté par sa production littéraire.
Les films d’Eugène Green, artiste intelligent, cultivé et exigeant, intriguent, dérangent mais remportent chaque fois un succès critique.
Le Monde vivant s’inspire des contes médiévaux et autres chansons de geste. Eugène Green déclare avoir lu Yvain, le chevalier au lion de Chrétien de Troyes quelques mois avant de travailler sur son scénario. On y trouve ainsi des chevaliers courtois et en quête d’identité dans un monde où la fidélité à la parole donnée est primordiale.
Au départ, ce qui trouble le plus le spectateur du Monde vivant est probablement la diction "blanche" des acteurs et le recours aux liaisons systématiques.
Pour Green, le cinéma c’est "la parole faite image", une forme moderne d’expression comme le fut la littérature. En tant que réalisateur de cinéma, il cherche, semble-t-il, à capter l’énergie intérieure afin de donner à voir au spectateur un niveau de réalité qui aurait pu lui échapper. Le recours à cette langue si particulière cherche à créer un décalage avec la langue courante tant chez le spectateur que chez ses acteurs. Green cherche ainsi à éviter la tentation de l’expression psychologique ("ne cherchez pas à convaincre" dit-il à ses acteurs) : le jeu intellectuel couperait l’énergie, la présence. Le respect systématique des liaisons ne serait qu’une technique à disposition des acteurs pour les aider dans cette démarche.
Au final, la diction des acteurs est assez neutre pour que le discours des personnages ne le soit pas et ce qui, au début du film, pouvait apparaître comme un gimmick surprenant voire agaçant et faire craindre une œuvre "intellectuello-intellectuelle" et poseuse se révèle d’une efficacité redoutable et nous entraîne vers cette perception du "présent métaphysique, celui qui contient tous les passés et tous les futurs".
Pour sûr, enfants et adultes trouveront dans ce film écho à leur humanité.
Tout ceci pourra sembler si sérieux à qui n’aura pas encore vu ce film atypique, sensuel et... sérieusement drôle. Ainsi, on sera tenté, et en dépit de ses dénégations, de penser que Green n’est pas auteur involontaire des aspects comiques du film au détour de la diction des acteurs, des anachronismes et des "effets spéciaux" directement inspirés du style baroque.
Bibliographie d’Eugène Green :
la Parole Baroque, Desclée de Brouwer 2001
Présences, Desclée de Brouwer 2003
la Rue des Canettes, Desclée de Brouwer 2003
le Présent de la parole, Melville 2004
Vous trouverez ci-dessous des liens pour approfondir quelques pistes offertes par le film.
la fiche du film le Monde vivant sur le site IMAGE :
http://crac.lbn.fr/image/fpdf_film.php ?id=259
la fiche du film le Monde vivant sur le site du cinéma abc-le France à Saint-Etienne :
http://www.abc-lefrance.com/fiches/ficheEC/lemondevivant.pdf
Interviews d’Eugène Green :
http://cinema.aliceadsl.fr/ficheart.aspx ?keys=AR017504&file=http&type=art
http://www.objectif-cinema.com/interviews/279.php
A propos de la chanson de geste :
http://gallica.bnf.fr/themes/LitMA6.htm
Sur Maître Eckhart, mystique des XIII et XIV èmes siècles :
http://www.bldt.net/Om/article.php3 ?id_article=270
Sur Chrétien de Troyes, auteur de Yvain, le chevalier au lion :
http://gallica.bnf.fr/themes/LitMAm.htm
Partir à la découverte du Moyen-Age sur une page intéressante proposée par le site Lettres de l’académie d’Orléans-Tours :
http://www.ac-orleans-tours.fr/lettres/pedag/chev-lion/m_sommaire_moy_age.html Beaucoup de liens brisés mais ce site est malgré tout très foisonnant. On y trouve notamment des éléments intéressants concernant
Yvain, le chevalier au lion :
http://www.ac-orleans-tours.fr/lettres/pedag/chev-lion/m_sommaire_chev_au_lion.html
le livre manuscrit :
http://www.ac-orleans-tours.fr/lettres/pedag/chev-lion/livre_sommaire.html
le chevalier, la dame, la demoiselle, le vilain au moyen-âge, la courtoisie :
http://www.ac-orleans-tours.fr/lettres/pedag/chev-lion/m_sommaire_vie.html
l’ancien français :
http://www.ac-orleans-tours.fr/lettres/pedag/chev-lion/m_anc_fr2.html
des propositions de lecture et des liens sur le moyen-âge :
http://www.ac-orleans-tours.fr/lettres/pedag/chev-lion/m_sommaire_20s.html
Les éclairages artificiels du film ont été réalisés exclusivement à la bougie. Pour un travail sur la notion de clair-obscur, on visitera :
http://www.ac-reunion.fr/pedagogie/aa/pedago/theorie/couleur/contrast/obscur.html
ou un site proposant une biographie de Michelangelo Merisi, dit " Le Caravage", précurseur du clair-obscur :